
Aujourd’hui est un grand jour pour le christianisme et pour ceux qui, sans pratiquer le christianisme, ont adopté Noël par solidarité ou par convenance personnelle. Nous trouvons également opportun d’encourager la réflexion sur le sens profond de cette fête et son impact sur l’humanité à la lumière de Luc 2, 13-14.
Dans la péricope précitée il est écrit : « Et soudain, à côté de l’ange apparut une multitude d’anges de l’armée céleste chantant la gloire de Dieu : Gloire à Dieu dans les lieux les plus élevés ! Et la paix sur terre aux gens qu’il aime. (BDS) Ces mots font suite à la naissance du Seigneur Jésus-Christ et à son annonce solennelle aux bergers qui gardent leurs troupeaux dans les environs de Bethléem. C’était la nuit. Le moment ne pouvait pas être mieux choisi pour annoncer la naissance de Lumière du Monde. Mais le symbole ne s’arrête pas là, car le choix des bergers semble très dérangeant. En effet, les bergers n’avaient pas bonne presse à l’époque. Ils étaient considérés comme des personnes sales, malhonnêtes et indignes de confiance. Ils étaient donc en marge de la société. Mais, curieusement, c’est sur eux, et non sur les autorités politiques, les religieux, ou les hommes et femmes d’affaires, que revient le choix de Dieu d’avoir la primeur de cette annonce aussi extraordinaire qu’extraordinaire. Mais quel est le sens profond de cette démarche divine ?
La clé herméneutique semble se trouver dans les deux concepts principaux de la louange angélique : la gloire et la paix. Bien que le texte original soit en grec, les termes grecs dóxa (gloire) et eirênê (paix) font naturellement référence aux réalités juives, car les premiers auditeurs étaient juifs. Ainsi, la gloire ne traduit pas seulement la beauté extérieure et la perfection de la nature divine. Il reflète également le mot hébreu kavod signifiant “gloire, honneur, respect, distinction et importance”. Ainsi, au-delà de la dimension esthétique, la majesté divine est si immense qu’elle pèse d’un poids terrible. En conséquence, les normes et conventions humaines s’effondrent comme un château de cartes devant la gloire divine, donnant aux bergers la même valeur aux yeux de Dieu que tout autre individu dans la société. Le raisonnement est simple : si les personnes marginalisées par les autres sont valorisées par Dieu lui-même, personne n’est désormais exclu. Noël est définitivement une bonne nouvelle pour tout le monde, sans aucune discrimination. Qu’en est-il du deuxième concept ?
Là encore, on aurait tort de voir dans la paix évoquée dans ce texte la notion d’absence de guerre et de conflit donnée par le sens étymologique de ce terme en grec. Au contraire, le mot doit être compris dans son contexte culturel et religieux. Ainsi, le terme « paix » renvoie plutôt au terme hébreu shalom. Il exprime l’idée d’harmonie dans toutes les dimensions de la condition humaine. C’est l’harmonie avec Dieu (y compris le salut éternel), avec soi-même, avec les autres, avec ses activités et avec son environnement. Bref, c’est un bien-être complet. A Noël, Dieu annonce à l’humanité la solution au déséquilibre multidimensionnel causé par la chute dans le jardin d’Eden. Par le Christ, Dieu ne s’intéresse pas seulement au salut de son âme, mais aussi à son épanouissement physique, psychologique, social, économique, environnemental et à sa santé complète. C’est aussi sous ce paradigme totalitaire que le Seigneur Jésus a placé son ministère à travers la lecture du passage du livre d’Isaïe, qui le concerne de manière très détaillée (cf. Luc 4:16-19 et Isaïe 61:1-2 [ancienne version grecque]). Ainsi, les bergers sont devenus des agents de transformation totale. Ils ont immédiatement pris cette responsabilité en répandant la bonne nouvelle dans leur entourage immédiat (cf. Lc 2, 16-20). Alors on se rend compte que si les citoyens qui ont été exclus de la société peuvent être des catalyseurs d’une paix totale dans le cadre de la nouvelle économie du salut, ceux qui ont une position sociale plus honorable peuvent le faire encore plus.
Par conséquent, ce message profond a une portée plus large que ne le révèle une lecture superficielle du texte ! Le fait qu’il soit écrit, conservé, traduit dans de nombreuses langues et à la portée du public moderne nous interpelle tous. Célébrer Noël, dans l’esprit du récit biblique, c’est dépasser la dimension superficielle, matérielle, commerciale, voire mondaine, pour vivre les valeurs qu’elle contient. Comme l’a si bien dit l’ancien président américain John Calvin Coolidge (1872-1933), “Noël n’est pas un jour ou une saison, c’est un état d’esprit”. Si, au-delà du caractère festif et éphémère, chaque être humain pouvait puiser dans la profondeur de sa relation avec Dieu Créateur de l’univers et de tout ce qu’il contient pour être un instrument de paix dans toutes ses dimensions, le monde serait meilleur. Que Dieu nous accorde le courage, la sagesse, la force et la ténacité nécessaires pour être des ambassadeurs et des ambassadrices du shalom, en paroles et en actes, dans un pays largement en proie aux forces négatives et à la violence, sous ses nombreuses formes !
Prof. Moussa Bongoyok